Pour obtenir des informations foncières sur les Acquisitions de Terres à Grande Échelle (ATGE), et qu’elles soient fiables, utiles et utilisables, mais aussi accessibles à tous, une synergie d’action a mis en place en 2015 l’Observatoire National de la Gouvernance Foncière (ONGF) avec le concours du CNCR.

Ce Rapport d’analyse de la situation des acquisitions de terre à grande échelle (ATGE) dans le secteur agricole au Sénégal est un produit de l’ONGF en collaboration avec l’ISRA-BAME, dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action du Cadre de Réflexion et d’Action sur le Foncier au Sénégal, CRAFS.

Les résultats montrent une dynamique d’évolution constante des ATGE au Sénégal. La caractérisation des différents cas répertoriés révèle qu’elles sont multiformes avec des trajectoires différentes. Les ATGE peuvent être classées en trois catégories distinctes (cluster) en fonction de leurs liens et d’un certain nombres d’indicateurs prédéfinis relatifs à leur état de mise en valeur, leur statut foncier, leur superficie, leur secteur d’investissement, aux types d’investisseurs, leur localisation, etc.

De manière générale :

  • La catégorie 1 est fortement représentée dans la zone du Bassin arachidier, un peu moins au Sénégal oriental et dans la zone des Niayes ainsi que dans la zone du Ferlo. Les types d’ATGE dans ce groupe regroupent principalement des acteurs de l’agriculture familiale ou des privés sénégalais exploitant des superficies de 117 ha en moyenne sur les cas considérés.
  • La deuxième catégorie est caractérisée par la présence d’investisseurs installés sur du foncier sécurisé pour la majorité et menant des activités comme l’agriculture irriguée, la plantation, etc. Majoritairement présentes dans la zone de la Vallée du Fleuve Sénégal, au niveau de la zone des Niayes et de la Casamance avec des superficies moyennes de 175 ha. Les productions de ces entreprises sont essentiellement destinées à l’export.
  • La troisième catégorie, moins importante en termes d’effectif, est fortement présente dans la zone de la Vallée du Fleuve Sénégal, favorable au développement d’activités hydroagricoles, mais aussi dans la zone du Ferlo (avec surtout les plantations et l’élevage) et un peu dans le Bassin arachidier. Les ATGE agricoles dans ce secteur se caractérisent par une présence d’acteurs divers dont les privés étrangers orientés vers les marchés de l’export et national.
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Les privés sénégalais, contrairement au postulat général, sont dans tous les secteurs d’investissements concernés par les ATGE. Même s’ils ne constituent pas un ensemble homogène d’acteurs en termes de trajectoire, de profil, ils forment la frange la plus importante dans toutes les catégories considérées.

Toutefois, l’importance des investissements nationaux contraste avec leurs difficultés d’accès aux mêmes opportunités que les investisseurs étrangers (avantages fiscaux et douaniers, accès aux marchés). Les entreprises nationales sénégalaises ont des capitaux majoritairement détenus par des sénégalais de la diaspora et elles sont constituées des ATGE du type 3. Les ATGE agro-industries ayant des capitaux étrangers exploitent largement plus de terres que les acteurs nationaux en termes de superficie.

L’analyse des données a permis de constater une forte corrélation entre accumulation foncière, niveau d’investissement et sécurisation foncière. De même, plus la taille des terres acquises est conséquente, plus les promoteurs ont tendance à les sécuriser.

Néanmoins, les exploitations familiales concernées par les ATGE et certains promoteurs nationaux restent toujours sur leurs droits légitimes (coutumiers ou informels).

On assiste toute fois à une forte conversion de droits fonciers antérieurs, donc de leurs statuts, vers des types de droits plus sécurisants pour les promoteurs acquéreurs, notamment des catégories 2 et 3.

La forte tendance de la réduction progressive des espaces pastoraux et des terres des agricultures familiales aux profits d’investissements impliquant des acquisitions de terres sur de grandes superficies est une réalité observée sur le terrain. Cette dynamique, accentue les fortes contraintes qui pèsent déjà sur les activités pastorales dans un contexte d’augmentation des troupeaux. La conséquence observée est l’augmentation des conflits d’usage et avec l’absence d’encadrement du processus, les pasteurs risquent d’être obligés de réduire leur mobilité ou de changer de système d’élevage. Ce qui va impacter sur le coût de production de la viande et du lait, sans compter les autres conséquences sur les plans socioéconomique et sécuritaire.

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A cela s’ajoute, la perte non consensuelle et non compensée de terres dont sont victimes certaines communautés locales, entraînant souvent des conflits avec les promoteurs et/ou parfois avec l’Etat à travers ces différents démembrements, notamment les collectivités locales.

Les résultats mettent sur la table la nécessité d’une réforme foncière aboutie pour prendre en charge les nombreuses limites de la législation qui ne cadrent plus avec les enjeux actuels de développement et aux dynamiques des politiques socioéconomiques et territoriales du pays.

Quoiqu’il en soit, les choix politiques à venir auront un impact fort sur le devenir du modèle agricole sénégalais, et ils devront prendre en compte certaines particularités territoriales. Quel que puisse être la trajectoire de la réforme, il demeure constant qu’elle doit intégrer les enjeux d’intérêt général, de cohésion sociale, d’exploitation durable et équitable des ressources foncières ; ce, au-delà des finalités productivistes des politiques publiques.

 

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Auteurs
Djibril DIOP, ISRA-BAME
Jeremy Bourgoin, CIRAD-Tétis
Alpha Ba, ENSA
Mohamadou Dièye, ISRA-BAME
Serigne Segnane, CNCR
Quentin Grislain, CIRAD-Ardev

Contributeurs
Roberto Interdonato, CIRAD-Tétis
Camille Jahel, CIRAD-Tétis
Valentine Lebourgeois, CIRAD-Tétis

Crédit Photo : Mohamadou Dièye
Mise en page et design : Oumar LO et Ibrahima DIOP

Chérif Sambou Bodian – IPAR 

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