L’IPAR a été mandaté par les membres du Comité de pilotage de la Plateforme Nationale sur les DV et la gouvernance foncière (COPIL DV/GF) pour la mise en place d’un processus inclusif afin d’étudier la faisabilité de la création d’un Observatoire national du foncier au Sénégal en se basant sur l’existant.

A cet effet, et pour plusieurs raisons expliquées, il a été privilégié la réalisation d’une étude de pré-faisabilité en s’appuyant, au regard de la sensibilité de la question, sur une expertise externe.

Réalisée par Dr Ibrahima Ka, expert foncier et chercheur à IPAR, et M. Vincent Basserie, Consultant, cette étude entre dans le cadre du Projet de renforcement de la diffusion et de l’opérationnalisation des Directives volontaires (DV) au Sénégal, financé par l’Agence italienne pour la coopération et mis en œuvre en partenariat avec la FAO,

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Rappels sur la dynamique de réforme foncière au Sénégal

Nouvellement indépendant, le Sénégal a entrepris une réforme foncière qui a abouti à l’adoption en 1964 de la loi relative au domaine national (LDN). La LDN institue le domaine national, détenu par l’Etat, qui englobe la quasi-totalité des terres rurales. Il se décline en quatre sous-catégories, dont les zones de terroirs dédiées à l’habitat rural, à l’agriculture et à l’élevage.

Ce faisant, la LDN supprime les droits fonciers coutumiers, sans déposséder les exploitants de terres situées dans les zones de terroirs, ces derniers pouvant continuer à occuper et à exploiter leurs terres. Les producteurs ruraux peuvent se voir affecter des terres, sur lesquelles ils disposent de droits d’usage. Pour les populations rurales, l’intérêt de se faire affecter une terre déjà détenue coutumièrement est loin d’être évident. Elles ont très majoritairement continué à se référer au système coutumier de gestion foncière et à procéder à des transferts de droits fonciers (héritages, locations, ventes etc.) en marge de la légalité.

Face à ces difficultés, différents gouvernements ont, à partir de 1996, initié des processus de réforme foncière qui n’ont pas abouti.
Ainsi, en 1996, le gouvernement s’est doté d’un Plan d’Action Foncier qui restera sans suite.

En 2001, un projet de réforme foncière a été préparé par un groupe de travail créé au sein du ministère de l’Economie et des Finances. Ce projet, examiné lors d’un Conseil des ministres, n’a jamais été rendu public.

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En 2002, un projet de loi d’orientation agricole a été rejeté par les acteurs de la société civile, car donnant trop de prérogatives foncières au niveau central. Le Sénégal s’est finalement doté d’une loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP) en 2004, sur la base d’une démarche participative.

La LOASP fixe des principes et objectifs en matière foncière et prévoit la promulgation d’une loi foncière dans un délai de deux ans.

Un « Groupe de travail thématique réforme foncière » fut créé en 2005 pour mettre en oeuvre le volet foncier de la LOASP. Il s’agissait d’un groupe multi-acteur, présidé par le ministère chargé de l’agriculture. Son transfert, fin 2010, auprès du ministère chargé de l’économie et des finances a signé la fin de ses réflexions.

En 2005, la présidence de la République a mis en place une Commission Nationale de Réforme du Droit à la Terre (CNRDT) qui était chargée de proposer une réforme dans un délai de six mois. Censée regrouper l’ensemble des catégories d’acteurs concernés, la CNRDT n’incluait pas de représentants effectifs des organisations professionnelles agricoles (OPA). La CNRDT a élaboré des « propositions de réforme sur la gestion foncière en milieu rural », qui prônaient une privatisation de la terre au profit de l’Etat pour permettre la création de zones d’investissements intensifs. Ces propositions sont restées lettres mortes.

En 2012, une Commission Nationale de Réforme Foncière (CNRF) a pris le relai de la CNRDT. Elle est chargée de mener un processus participatif de réforme foncière. Elle a établi à cet effet un protocole de collabo¬ration avec des organisations de la société civile (OSC) et des OPA regroupées au sein du Cadre de Réflexion et d’Action sur le Foncier au Sénégal (CRAFS)
La CNRF en a tiré, en 2016, un projet de document de politique foncière et a consulté les différents groupes d’acteurs sur cette base. Le projet a fait l’objet d’un partage final avec l’ensemble des parties prenantes en octobre 2016.
La CNRF a remis en avril 2017 au chef de l’Etat la version définitive de ce document. La CNRF est été dissoute par le Chef de l’Etat en mai 2017, qui a expliqué, en novembre 2017, ne pas adhérer à certaines des proposi¬tions qu’elle a émises.

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Les organisations membres du CRAFS se montrent particulièrement actives sur le sujet, parfois depuis les années 2000, et ont produit des propositions harmonisées de réforme foncière, tout en jouant un rôle de veille, d’alerte et de défense des droits des communautés dont les terres ont été affectées à des investisseurs privés. Le CRAFS a interpellé le Chef de l’Etat en novembre 2017 afin de « relancer le processus » et « permettre son bon déroulement jusqu’à sa finalisation ».

Pourquoi une étude de « pré-faisabilité » ?

Trois principaux éléments du contexte général de l’étude ont abouti à la conclusion qu’il était prématuré de réaliser une étude de faisabilité de la création d’un « observatoire national du foncier au Sénégal » : a) le coup d’arrêt du processus de réforme foncière, b) l’absence d’échanges entre les acteurs sur la création de cet observatoire et c) le budget disponible pour réaliser l’étude.

a. Pour la première fois, un processus inclusif a permis d’aboutir à un projet de document de politique foncière qui cristallise un « consensus national minimum » sur le sujet. Toutefois, la dynamique de réforme foncière enclenchée a connu en 2017 une évolution majeure avec la dissolution de la CNRF et l’absence d’endossement de ses conclusions par le Chef de l’Etat. Si cette situation ne signifie pas forcément que la réforme a avorté, elle crée néanmoins une forte incertitude.

L’étude de la faisabilité de la création de « l’observatoire national du foncier au Sénégal » consistait à opérationnaliser l’observatoire multi-acteurs chargé du « suivi-évaluation de l’application de la politique foncière » prévu dans le document de politique foncière. Cette politique n’ayant pas été validée, il est devenu nécessaire de s’interroger sur l’opportunité de créer un observatoire national et de repréciser sa raison d’être.

b. Bien que prévue au sein des versions provisoires du document de politique foncière, la mise en place d’un observatoire multi-acteurs n’a pas fait l’objet de débat lors du processus participatif mis en oeuvre. Ceci est tout à fait compréhensible : les préoccupations des acteurs étaient logiquement centrées sur les orientations de la réforme plutôt que sur les modalités de son suivi et de son évaluation.

c. Conduire une étude de faisabilité de la création d’un observatoire, qui peut éventuellement prendre la forme d’une nouvelle structure à créer, nécessite de recourir à une équipe pluridisciplinaire et demande du temps, ce que ne permettait pas le budget alloué à la présente étude.

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Il s’agit en effet, et à titre d’exemple, de définir le statut et l’ancrage institutionnel de l’observatoire, le dimensionnement et le système d’organisation interne de l’observatoire (organigramme, personnel), le système de gestion administrative, comptable et financière de l’observatoire, le mode de gouvernance de l’observatoire, les relations fonctionnelles avec les principaux acteurs concernés, la nature et le coût des investissements nécessaires ainsi que les coûts de fonctionnement de l’observatoire, son système de financement et sa pérennisation financière, le phasage de sa mise en place etc.

Objectifs de l’étude

Au regard de ce qui précède, l’étude de pré-faisabilité doit procéder à une première « mise à plat » de la réflexion sur la création de l’observatoire du foncier au Sénégal et permettre d’initier un débat multi-acteurs sur le sujet.
Deux principaux objectifs sont ainsi assignés à cette étude :

  1. Déterminer si des consensus émergent au sein des acteurs concernés sur :
  • a. l’opportunité ou non de créer un observatoire du foncier au Sénégal dans le contexte actuel ;
  • b. la ou les mission(s) de cet observatoire : un observatoire pour observer quoi et pourquoi ?
  • c. les acteurs qui seraient parties prenantes de l’observatoire ;
  1. Proposer sur cette base un, deux ou trois schéma(s) d’observatoire qui feraient sens aux yeux des acteurs, en précisant dans la mesure du possible :
  • a. les champs d’observation possibles et les grands types d’activités à réaliser ;
  • b. le public cible ou les « clients » de l’observatoire ainsi que les modalités de restitution / valori¬sation des résultats des observations ;
  • c. de premiers éléments sur les dimensions juridiques et institutionnelles de l’observatoire, notamment son statut ou ancrage institutionnel et son mode de gouvernance.
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