Le Cadre de Réflexion et d’Action sur le Foncier au Sénégal (CRAFS) loue la démarche du gouvernement sur l’ajustement réglementaire introduisant l’affectation collective et recommande d’aller vers une harmonisation de l’ensemble des textes régissant le foncier. La CRFS a tenu une déclaration à la clôture d’un atelier d’échange et de sensibilisation de ses points focaux sur le décret modifié, tenu le 14 janvier à Thiès, avec l’appui de l’Alliance for Food Sovereignity in Africa (AFSA).

Pour rappel, dans la mise en œuvre du Projet Cadastre et Sécurisation Foncière (PROCASEF) il est introduit un nouveau décret n° 2022-2307 modifiant le décret 72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national en instaurant la reconnaissance de droits collectifs.

Ce nouveau décret apporte au moins deux innovations majeures en matière d’affectation des terres se situant sur le domaine national :

  • Désormais, plusieurs personnes physiques peuvent être attributaires d’une seule et unique délibération sans avoir besoin de se constituer en personne morale (GIE ou association etc.)
  • Il est possible pour les affectataires d’une parcelle d’établir une charte de gestion foncière qui doit être communiquée à la commune et à l’autorité administrative à titre d’information.

Dans le rapport de présentation de ce nouveau décret, il est affirmé que cette modification cible surtout « les exploitations agricoles familiales dont la réalité n’a jusque-là pas été effectivement prise en compte au plan de l’affectation des terres, même si dans certaines communes des affectations au nom de plusieurs personnes physiques sont notées dans la pratique en violation des dispositions légales »

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Par ailleur, dans son document de propositions sur le processus de réforme foncière soumis à la commission nationale de réforme foncière, le CRAFS avait proposé la reconnaissance de droits collectifs du fait qu’en milieu rural la terre est un patrimoine familial et qu’il existe aussi des espaces communs. Par ailleurs, dans la phase de formulation du PROCASEF, le CRAFS avait réitéré sa volonté sur la reconnaissance des droits collectifs.  Le CRAFS et l’Alliance Nationale Femmes et Foncier (ANFF) avaient également pris part aux ateliers de réflexions portant sur l’élaboration de cette modification.

 

Déclaration du CRAFS à la clôture de la concertation du jour à son siège à Thiès

 

Le Cadre de Réflexion et d’Action sur le Foncier au Sénégal (CRAFS) tient à féliciter le Gouvernement du Sénégal de sa démarche participative et inclusive dans le cadre des réflexions pour l’adoption du nouveau décret n° 2022-2307 modifiant le décret 72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national.

En effet, nous espérons que cet ajustement réglementaire, introduisant l’affectation collective, permettra enfin d’assurer une réelle prise en charge des réalités des exploitations familiales, agricoles et pastorales qui a toujours été une vieille doléance du CRAFS et du monde rural.

Toutefois, pour ce qui est de l’applicabilité de cette nouvelle modification, le CRAFS demeure préoccupé par certains aspects du texte :

  1. Certes, dans le rapport de présentation du nouveau décret, il est bien mentionné l’exploitation agricole familiale comme cible pour cette modification, mais dans le texte, cette notion n’apparaît pas, on a juste parlé « d’une ou de plusieurs personnes physiques ». Dans les cas où les attributaires sont membres d’une famille, beaucoup de paramètres doivent être pris en compte, sachant qu’au Sénégal la famille est très élastique. La question de l’héritage se pose déjà avec acuité : que faut-il faire en cas de décès d’un des membres de la famille ? Que faut-il faire en cas de divorce ? Qu’en est-il de la séparation des biens ou biens collectifs entre époux ? Que faut-il faire dans le cas où le chef de famille prend une autre épouse ou a des enfants majeurs ? autant de questions qu’il faut adresser sous ce chapitre.
  2. Nous saluons l’initiative de prévoir une charte, même si telle que formulée dans le nouveau décret, son élaboration par le groupe est facultative. On considère que son contenu sera très important et qu’il conviendrait même de prévoir des principes de base que les affectataires intègreraient pour son élaboration tout en les adaptant à leurs réalités.
  3. On note une superposition dans les textes qui nécessite une harmonisation et un toilettage, d’autant plus que ce décret est à sa 4ème modification
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Apres lecture de tous ces points d’attention, le CRAFS recommande

  • D’aller vers une harmonisation de l’ensemble des textes régissant le foncier
  • De préserver l’esprit de la loi sur le domaine national et de relancer, au plus vite, le processus de réforme foncière jusqu’à l’aboutissement de sa phase législative et de rompre avec ces réformes sectorielles qui ne permettent pas de trouver des solutions cohérentes et durables aux nombreuses contraintes auxquelles les acteurs ruraux sont confrontés en termes d’accès et de gestion de la terre.

Le CRAFS s’engage à accompagner le gouvernement sur ce chantier en mobilisant les populations locales pour une bonne prise en compte de leurs préoccupations.

Fait à Thiès, le 14 janvier 2023

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